Introduction 5
Chapitre 1 : Lumiere sur une a'livre signee Guillaume de Vaux, le «prince des poetes »..20
I) Ombres et lumieres sur Adrien de Monluc 21
1- Rehabiliter l’reuvre de Monluc 22
a) Un personnage qui divise 22
b) Du XVTTme au XXtoe : du succes a 1’oubli 26
2- Faire tomber les masques 29
II) Le livre d’artiste, support d’un eloge implicite 34
1- La renommee des uns sert l’anonymat des autres 36
2- Mettre en valeur le texte pour mettre en valeur l’auteur 38
a) Lumiere sur deux recits 38
b) Un nouvel equilibre pour le texte 39
3- Le livre comme monument 44
a) Le choix des materiaux 45
b) L’excellence des artisans 48
c) Un temple de la parole 50
Chapitre 2 : La reception moderne d’une a'livre trois fois centenaire 55
I) Du livre au lire, de l’editeur au lecteur 56
1- L’enonciation editoriale : nouveaux regards sur Monluc 57
2- Un lectorat moderne 65
a) Evolution de l’horizon d’attente 66
b) Un lecteur avise pour une reception moderne 69
II) La Maison des Jeux 71
1- Des jeux d’epoque 71
2- Un dialogue des arts qui sert l’humour des textes 77
3- Des jeux d’aujourd’hui : Deliaisons du verbe et de l’image 82
III) Poetisation de l’wuvre de Monluc 88
1- La poesie du livre 88
2- Le dialogue poetique entre le texte et l’illustration 90
3- Resonnances esthetiques avec l’actualite poetique 96
Chapitre 3 : Pour une poetique du livre d’Iliazd 103
I) La Maigre et Le Courtisan Grotesque, deux wuvres collectives 104
1) Mise en scene d’auctorialites plurielles 104
2) Polyphonie auctoriale : autorite en mouvement 108
II) Auctorialite editoriale 114
1- Entre interpretations et appropriations 115
2- Pour une esthetique toutiste 119
a) Une quete existentielle 120
b) De l’art marque du sceau des generations 125
Conclusion 133
Bibliographie 136
Annexes 148
En 1913 a Moscou, un groupe d’artistes parmi lesquels un denomme Ilia Zdanevitch se trouve, fait scandale. Des soirees de cabarets a leurs deambulations urbaines, les peintres Natalia Gontcharova, Mikhail Larionov, Mikhail Le Dentu ainsi que le poete et critique d'art Ilia Zdanevitch, bousculent le monde de l'art par des performances ehontees et provocantes ou la peinture se deplace de la toile au corps humain, et la sculpture du marbre a l'objet manufacture. Inspires par le futurisme de Marinetti, ils affirment dans leur manifeste Почему мы раскрашиваемся. Манифест футуристов. / Pourquoi nous nous peinturlurons. Manifeste desfuturistes : « Nous avons lie l’art a la vie. Apres un long isolement des artistes, nous avons appele la vie a voix haute et la vie a fait irruption dans l’art, il est temps que l’art fasse irruption dans la vie. »1 2. Les quatre signataires du manifeste s'affichent dans les rues et les cabarets, les visages couverts de traits, courbes, chiffres et lettres en noir et en couleurs : leurs corps deviennent des supports artistiques, et leur exposition une performance3. De meme, lors d’une conference sur « le futurisme de Marinetti »4, Ilia Zdanevitch s’amuse a brandir des souliers d’homme a la mode en declarant qu’ils sont plus beaux que la Venus de Milo ! Le groupe fait la defense d’un monde nouveau, ou l’art investirait le quotidien.
C’est dans cette ambiance que 1’avant-garde artistique russe explore de nouveaux moyens d’expressions, et s’interesse notamment au livre qui devient le support artistique privilegie de la rencontre entre les poetes et les peintres. Les modernistes cherchent a faire dialoguer les arts dans des livres singuliers ou le sensible devient visible. La poesie se mele a la typographie, a la calligraphie, ainsi qu’a l’illustration et a la plastique du livre qui est le lieu d’une sensorialite nouvelle. Des projets originaux voient le jour : on remarque notamment les livres illustres par Olga Rozanova qui, en coloriant les illustrations et le texte, creee des « partitions de couleurs avec l’action simultanee du mot sonore et de la picturalite »5 ; ou encore la serie de drames en zaoum typographique d’llia Zdanevitch6 qui, au sein de l’Universite du Degre Quarante et Un7, fabrique des textes ou chaque lettre est la fois autonome, possedant chacune sa propre taille, sa police, et l’espacement necessaire a sa pleine expression, et partie d’un tout harmonieux qui prend vie dans le livre au gre des differentes combinaisons sonores et typographiques inventees par le poete. Le livre etait alors utilise et pense par les artistes de l’avant-garde russe comme un media de masse par lequel ils pouvaient faire connaitre leur travail au plus grand nombre, tout en rejetant les regles bourgeoises de l’impression fine, et des editions illustres de la fin du XIXeme siecle. Leurs livres etaient de petits formats, modestement relies par des agrafes ou des points de colle, et etaient spontanes dans leur conception. Ces experiences de jeunesse ont definitivement marque les considerations artistiques d’llia Zdanevitch qui plus tard, par son activite d'editeur, s’inspire des differentes ёсо1е8 de l’avant-garde, et mdtamorphose le livre illustrd en une vdritable reuvre d’art, par le travail тёйсиких du texte, de son support, de sa mise en page, de sa typographie, ainsi que de son illustration. Il skloigne de la dimension bourgeoise des livres illustres en reduisant a son maximum l’ornementation inutile du livre, et il lie 1’art a la vie en faisant un objet a la fois quotidien dans sa dimension ludique et sobre, et artistique....
Iliazd provoque la surprise sur la scene de l’art contemporain en faisant d’Adrien de Monluc l’ « avant-coureur des lettres modernes »1 avec ses editions de LaMaigre, illustre par Pablo Picasso (1952), et du Courtisan Grotesque illustre par Joan Miro (1974). Ces textes du XVIFme siecle frangais, trouvent dans les livres d’artiste editcs par Iliazd un renouveau artistique sur lequel nous avons oriente notre recherche. Le but de notre etude etait d’analyser la maniere dont se construisait la modernite des deux textes de Monluc dans les livres d’Iliazd, afin de rendre compte de l’esthetique d’Iliazd lui-meme.
En effet, partant du constat fait par Iliazd que l’reuvre de Monluc s’apparente2 a la sienne, nous avons juge a propos de choisir le corpus d’reuvres consacrees a Monluc pour eclairer l’esthetique propre d’Iliazd.
Nous avons determine trois axes d’etudes qui nous ont permis de mettre en valeur un grand nombre de caracteristiques communes entre les deux reeditions d’Adrien de Monluc, afin de definir la specificite du regard d’Iliazd sur ces reuvres, et par la, de son esthetique.
Si l’editeur est un personnage central dans la diffusion d’une reuvre litteraire, nous avons vu dans la premiere partie de notre recherche que ce principe est particulierement vrai pour l’editeur de livres d’artiste, et pour Iliazd specialement. Il s’illustre dans la reedition de chefs d’reuvres inconnus, negliges par l’histoire, et confere grace a la forme luxueuse du livre d’artiste, une image prestigieuse aux textes oublies. Alors que la meconnaissance qui planait sur La Maigre et Le Courtisan Grotesque d’Adrien de Monluc, s’expliquait par le dedain du public et des historiens pendant des siecles a l’egard de son reuvre, apres Iliazd, elle est le resultat de la rarete des editions qui leurs sont consacrees. Le livre n’est plus pergu par Iliazd comme un media de masse, mais plutot comme une piece unique qui rassemble et transmet un ensemble de savoirs faires : celui de l’ecrivain, de l’illustrateur, et de l’editeur, qui manient chacun leurs arts comme des orfevres. Les talents qui s’incarnent a travers les livres d’artiste d’Iliazd, leur valorisation et la lutte pour la rehabilitation des anciennes formes d’art, soulignent l’implication de l’artiste sur la scene du luxe frangais. Dans la lignee du travail d’impression textile qu’il accomplit pour le compte de Coco Chanel (entre 1927 et 1948), il order des livres de luxe ou l’union des differents savoirs faires qu’il dirige, construit l’intemporalite des ouvrages. Ainsi, Iliazd ne transforme pas le comte de Carmain en un representant majeur de la litterature du XVIFme siecle avec ses reeditions de 1952 et 1974 ; ce n’est pas l’ambition de son reuvre editoriale qui se limite a un nombre reduit de publications, et qui ne possede aucun appareil critique explicite, a l’exception de la breve preface de La Maigre. Mais les deux-cent tirages qu’il consacre a Adrien de Monluc changent l’image acquise du comte. Revalorisee par le caractere precieux et rares de ces ouvrages, l’reuvre de Monluc est lavee du mepris dont elle a ete victime, et elle participe a une demonstration esthetique par laquelle Iliazd modernise les formes anciennes de l’art. Devenue intemporelle grace au luxe du livre d’artiste, elle est aussi moderne grace au regard que pose sur elle Iliazd. Ce n’est donc pas pour reparer les erreurs du passe qu’Iliazd se concentre sur l’reuvre oubliee d’Adrien de Monluc, mais pour construire sa propre approche de la modernite artistique.
Une fois la demarche editoriale d’Iliazd eclairee, nous avons cherche a definir dans le deuxieme temps de notre etude, ce qui a ete percu comme moderne par Iliazd et ses contemporains dans La Maigre et Le Courtisan Grotesque. Il est apparu que le contexte artistique des avant-gardes dans lequel les deux textes sont publies, oriente leur reception moderne. Le public restreint et choisi des livres d’artiste d’Iliazd, permet a l’editeur d’anticiper leur reception. Ainsi, le dialogue artistique entre la litterature, la gravure et l’edition dans La Maigre et Le Courtisan Grotesque, met en avant l’anticonformisme des jeux d’ecriture de Monluc, et exagere la dimension licencieuse des textes grace aux moyens visuels offerts par l’illustration et l’edition. Ce dialogue des arts exacerbe en meme temps la materialite du livre, qui alimente une esthetique de l’inconscient par laquelle la poesie des textes de Monluc s’incarne a travers tous les elements sensibles du support. Les gravures de Picasso et Miro, mais aussi chaque decision editoriale prise par Iliazd, du choix des materiaux, au format des livres, de l’organisation typographique des textes, a l’ordonnancement de l’illustration sur la page et dans le livre, construisent un langage poetique abstrait, qui vient soutenir la modernite des recits edites. Sans etre infidele aux textes originaux, Iliazd i'aconne des ouvrages modernes dans lesquels les textes de Monluc recouvrent leur poesie, leur verve, leur caractere audacieux, et leur actualite. Mais il ressort aussi de cette etude sur la modernite de La Maigre et Le Courtisan Grotesque mise en valeur par Iliazd que, dans la mesure ou l’editeur oriente la reception et la signification des textes qu’il publie, il a sur eux un pouvoir d’auteur.
Ayant dresse, dans nos deux premieres parties, le diagnostic de la modernite retrouvee des textes de Monluc dans les editions d’Iliazd, nous avons pu etablir dans un dernier temps, une hypothese de lecture de l’esthetique d’Iliazd. Le dialogue des arts prdeddemment analyse, nous a poussd a envisager la dimension collective des ses livres comme symptomatique de sa podtique. Si l’inconnu qui plane sur Monluc permet a Iliazd de se reapproprier l’reuvre du comte, de la moderniser, et de l’utiliser a des fins personnelles pour illustrer son esthetique, l’aspect collectif des deux editions n’en est pas amoindri. Auteur, illustrateurs et dditeur construisent le sens de l’reuvre transmise au lecteur. Iliazd dirige ainsi avec La Maigre et Le Courtisan Grotesque, l’dlaboration de deux ouvrages a six mains, qui nous mene a penser son esthetique selon le principe toutiste qu’il formule durant sa jeunesse. Son reuvre incarne et defend cette forme de l’art qui envisage le tout artistique, exclue les frontieres entre les arts et les epoques....
A) Iliazd
Monographies :
DRUCKER, Johanna, Iliazd: A Meta-Biography of a Modernist, John Hopkins University Press, 2020.
GAYRAUD, Regis, Ilia Zdanevitch (1894-1975), l’homme et I'&uvre, these pour le doctorat en etudes slaves, sous la direction de Michel Aucouturier, Paris, Universite Paris IV-Sorbonne, 1991, 660 p. (2 vol.)
TERENTIEV, Igor, Un record de tendresse, traduit du russe, presente et annote par Regis Gayraud, editions Clemence Hiver, Paris, 1990.
ВАСИЛЬЕВ, И. Е., «Ильязд. Вехи жизни и творчества И. М. Зданевича», Русский поэтический авангард ХХвека, Екатеринбург, 2000.
Iliazd, editeur de livres d’artiste :
BAILLEHACHE, Jonathan, « The Infernal Intimacy of Iliazd’s Book: The Work of Ilja Zdanevic », The Wolf Magazine, numero 26, avril 2006 pp. 83-90.
ISSELBACHER, Audrey, Iliazd and the illustrated book, essay by Francoise Le Gris- Bergmann, New-York, The Museum of Modern Art, 1987. https://www.moma.org/documents/moma_catalogue_1763_300296077.pdf (Consulte le 12 novembre 2020).
NOVARINA-RASLOVLEFF, Francoise, « Le Courtisan Grotesque : Histoire d’une cooperation lente et feconde de deux geants du livre, Iliazd et Joan Miro. », In : Les Carnets de l’lliazd-Club, n°6, 2005.
RIOUX, Gilles, « Compte rendu de [Lectures] : Catalogue de 1'Exposition lliazd - Maitre d'&uvre du livre moderne. Galerie d'Art de l'Universite du Quebec a Montreal, 1984. », Vie des arts, n°29 (118), 1985, p.84-86.
ROYERE, Anne-Christine, « Iliazd, Poesie de mots inconnus : 'Machine de guerre' bibliophilique contre le lettrisme. » Dans : Celine Bohnert, Frangoise Gevrey. L ’Anthologie. Histoire et enjeux d’une forme editoriale du Moyen-age au XXIe siecle, Presses universitaires de Reims, pp.303-321, 2014, 9782915271928. (hal-01992967)
Dossier de presse de la 13eme edition de L'Internationale de bibliophilie contemporaine, Espace Charenton, Paris, 26-27-28 novembre 2010. https://fr.calameo.com/read/00279865634b85f77c441 (consulte le 10 novembre 2020).
Catalogue de l'Exposition : lliazd-Maitre d'&uvre du livre moderne, Exposition organisee a la Galerie d'Art de l'Universite du Quebec a Montreal, du 5 au 28 septembre 1984.
Ильязд. ХХ-й век Ильи Зданевича. Брийен. Вийон. Гино. Джакометти. Миро. Ноай. Пикассо. Рибмон-Дессень. Сюрваж. Хаусман. Эрнст. Из частных и музейных соьраний России и Франции, Moscou, ROST Media/just design, 2015.
Iliazd en toutiste :
GAYRAUD, Regis, « “Toutisme” et Renaissance », in Modernites russes, n°12, Lyon, Universite Lyon-III, Centre d'etudes slaves Andre Lirondelle, 2011, pp. 213-224.
GAYRAUD, Regis, « Il'ja Zdanevic, "toutisme" et synthese des arts », in Sauf-conduit, n°2, L'Age d'homme, 1990, pp. 113-118 (Actes du colloque « L'avant-garde russe et la synthese des arts », Ecole d'architecture de Lille).
Revue scientifique consacree a l’reuvre d’Iliazd :
Les Carnets de l’lliazd-Club, revue savante a comite de lecture international a publication irreguliere, dirigee par Regis Gayraud, Paris, 1990-2014, n° 1 a 8.1...Autres :